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L'expérience de l'Audiodescription

16 Mai 2015

Les yeux bandés par une large écharpe en velours noir opaque, j’ai écouté « En Équilibre ». Oui, la tentation de soulever le voile et de regarder fut grande. Non, je ne l’ai pas fait. J’ai joué le jeu de ceux qui n’ont pas le choix.

affiche du fil En équilibre de Denis Dercourt

Être cinéphile c’est avaler par les yeux un nombre incalculable de films. La vue arrive instantanément au cerveau. Elle rabat le caquet aux autres sens plus subtils et plus lents. L’ouïe, elle, parle directement au corps. Écouter un film est une expérience plus kinesthésique que regarder un film. On ne voit pas les choses venir, les expressions des visages et on est à l’affût du moindre son et de la voix dans l’audio description.

Cela n’a rien à voir avec une voix amie qui vous ferait la lecture d’un roman ou l’écoute d’une pièce radiophonique. Tout, dans un film a été prévu pour être vu. Le son y complète l’image. L’image a son propre langage.

Avec l’audio-description, seuls sont décrits les détails qui servent le scénario. Combien de voyants auront réellement remarqué le chien inoffensif cause de la chute de Marc ?

L’ouïe n’est pas le seul sens sollicité. Dans le noir, le corps ne s’oublie pas comme quand c’est la vue qui guide. Le fauteuil dans lequel ont est assis et l’espace de la salle restent présents. Même pris par l’histoire, on reste conscient de la texture du velours, de l’espace de la salle et de l’artificialité de la distance sonore. Et pourtant, j’ai trouvé une certaine similitude de sensation qu’avec les simulateurs.

L’habitude de voir nous conditionne et je suis restée le regard figé en direction de l’écran durant toute la séance pour regarder le film qui se composait dans ma tête. Ce n’est que vers la fin que j’ai lâché et réellement fermé mes yeux qui ne servaient à rien.

Mais, moi qui suis voyante, je connais la Bretagne, ses plages et ses bassins salants, j’ai vu des chevaux, je connais le visage d’Albert Dupontel et celui de Cécile de France, je connais l’orangé d’un coucher de soleil, le bleu de la mer… Quel monde chaque aveugle se représente-t-il à partir des mots qu’il entend ?

Karine, bénévole au comité de Bayonne de l'association Valentin Haüy