Personnage d'intérêt S1/E11

 J’aiguise tout ce qui a taillé et j’essaie de le rendre un peu plus coupant. Oh ! je ne suis pas un pro et mes clients ne sont pas très « regardants » (mauvaise vanne) sur la qualité de mon travail car je suis bénévole.

Des esprits malveillants vous diront que ce mot vient de « benêt » et de « vole » mais vole quoi ? du pognon ? non ce n’est pas fastoche de voler un aveugle, ça ne vaut pas le coup. Vole vers quoi ? La gloire ? je laisse cela à quelques politiques. Une médaille ? Mes activités dans l’armée de Réserve m’en ont amené quelques-unes ; il en est une que je garde avec émotion : celle que Pascal, le président du comité des Pyrénées-Atlantiques de l’association Valentin Haüy, m’a obtenue de la ville de Ciboure et que j’ai dédié à notre amie bénévole Hélène, brutalement décédée quelques jours auparavant.

Pourquoi l’aiguisage ? Mes études ultra littéraires, mon bac philo, latin, grec, puis ce que l’on appelait « Propé » et enfin, une licence de lettres, à plus de 40 ans, avec l’aide précieuse de Lilie, mon épouse, qui assurait l’intendance à la maison (par correspondance bien sûr), tout cela ne m’y avait pas spécialement préparé. 

Mais c’est la faute de mon père Joseph. Né dans les Basses-Pyrénées en 1906, orphelin de père, sa mère ne parlait que le gascon et il la vouvoyait en l’appelant « May »  mère !  A 10 ans, il a été placé comme domestique agricole chez des gens très riches et très bons, très droits, chez qui il fallait aussi se vouvoyer et qui lui ont appris les vraies valeurs, à être un excellent cavalier, etc. Ils lui ont également fait passer le certif adulte, grâce à quoi il a pu entrer dans la « garde mobile » puis dans la gendarmerie départementale. Lorsque dans les années 50-55, il commandait la brigade de St. Sever en Chalosse, il aiguisait les couteaux et ciseaux de ses douze gendarmes…et je tournais la manivelle ! Quand il a pris sa retraite, toujours à St. Sever où il est enterré, j’ai motorisé la meule avec un moteur de machine à laver pour être le rémouleur du quartier. 

Des années et des pépins plus tard, notamment la mal-voyance de Lilie due à une tumeur au cerveau, la rencontre avec l’AVH, Pascal, Elisabeth, c’est avec enthousiasme que je suis devenu bénévole dans cette association. J’aurais honte de recevoir et de ne pas donner. Et puis, il y a tant de gaieté chez nos chers malvoyants ou non-voyants !  

Vous voudriez m’enlever le sourire complice de Mireille, 89 ans, (mais 18 ans dans son cœur et sa tête) totalement aveugle que je vais chercher à Ascain pour l’amener au bowling à Glain, toute contente qu’elle est lorsqu’elle fait un strike ? Ou les éclats de rire de Mayou, récemment opérée d’un genou et qui regrette bien qu’on ne lui arrange pas la vue aussi bien que sa patte ? Ou même les larmes d’Angel se rendant compte que bientôt, il ne verrait plus ?

Comment ferions-nous, nous les bénévoles, si nous n’avions plus tout cela ? Vous les handicapés, vous nous apportez tant et vous avez encore tant de choses à m’apprendre que je voudrais bien vivre encore une petite centaine d’années juste pour avoir un gros mutxu ou une virile poignée de main en remerciement d’un couteau bien aiguisé !

 

Comme Michel, Pascal et les autres, si vous avez envie de donner un autre sens à votre vie, venez offrir quelques heures à notre association. 

Vous y trouverez certainement une activité correspondant à vos goûts et vous vivrez cette grande aventure humaine avec nos bénéficiaires.